Bonjour,
concernant la table-ronde, c’est une bonne chose que des parlementaires intègrent la kafala aux discussions sur l’adoption internationale, en auditionnant les associations de parents en France. Cela va, je pense, faire avancer les choses, et c’est un premier pas pour faire sortir la question de la kafala des politiques migratoires et d’une perception erronée de de qu’est la kafala, pas seulement dans les textes mais surtout en termes de parentalité.
Pour la discussion engagée, je rejoins entièrement Violette sur la nécessité de l’agrément, non comme une inquisition dans la vie personnelle des futurs parents, mais comme une véritable préparation à l’accueil d’un enfant qui a un vécu difficile, et comme une garantie pour les autorités marocaines de vérifier les conditions d’accueil de l’enfant, pas seulement au niveau matériel. Que les autorités marocaines veuillent se prémunir contre des personnes aux intentions douteuses est une véritable avancée pour la prise en charge de ces enfants.
J’en parle d’autant plus aisément, qu’étant résidente au Maroc au moment de la kafala de mon fils, je n’ai pas eu à faire la procédure d’agrément, et que j’ai suivi la procédure réservée aux Marocains du Maroc.
Je confirme, les enquêtes au Maroc ne sont pas sérieuses, en tous les cas en 2009 quand j’ai fait la kafala.
L’enquête sociale s’est réduite à la production du bail de mon appartement et de mes bulletins de salaire ! Je n’ai aucun entretien avec un psychologue. Et surtout, cela me choque encore, personne ne m’a jamais demandé pourquoi je souhaitais faire une kafala, quelles étaient mes motivations, comment j’allais parler avec mon enfant de son adoption et comment j’allais répondre à ses questions. Quant au suivi dans les consulats, ils se réument encore une fois à à vérifier les conditions matérielles de l’enfant.
J’ai donc du me préparer seule, en lisant beaucoup, en suivant les forums sur l’adoption. Et je me suis trouvée très seule quand après trois jours de lune de miel, mon fils âgé de presque 4 ans a commencé à faire des crises de rage qui m’ont laissé totalement démunie. Pourtant l’attachement a été immédiat, il ne me lachait pas d’une semelle, était très gai, et cela faisait 5 mois que j’allais le voir plusieurs fois par semaine à l’orphelinat. Pourtant, il ne supportait ni l’autorité, ni la moindre frustration et effectivement, n’avais pour seul moyen d’expression que la violence à laquelle il avait toujours été confronté pour obtenir ce qu’il désirait. Et quotidiennement, pendant des mois, j’ai du faire face à des crises de rage (coups, hurlements, etc…) sans aucune préparation, ni accompagnement, si ce n’est celui que je suis allée chercher auprès d’une pédo-psy, complètement incompétente sur la question de l’adoption. Alors, j’ai fait comme j’ai pu, et c’est avec un grand soulagement qu’à notre arrivée en France, un an après, je suis allée avec mon fils chez un pédo-psy qui a fait des miracles, et chez lequel d’ailleurs mon fils adore aller quand il a de petites angoisses.
Car deux ans et demi après, même si mon fils n’a plus du tout de problème de violence, et qu’il est un enfant heureux de vivre, vif, curieux et très sociable, son vécu le “turlupine” encore, et je pense le travaillera toujours. Mais c’est un grand soulagement d’avoir trouvé quelqu’un avec qui il peut exprimer ses craintes et ses réflexions et qui l’aide à surmonter ses angoisses, toujours liées à l’abandon, la peur d’être laissé, la crainte de ne plus être aimé. Nous en parlons aussi souvent ensemble, mais les parents ne sont pas toujours les mieux placés pour rassurer l’enfant et surtout lui apprendre à gérer ses peurs.
Dans un autre domaine, moins difficile à vivre, j’ai aussi du affronter les questions très précoces de mon fils sur son adoption, et partant de là son abandon… Il a commencé à m’interroger au bout de trois mois à peine après son arrivée auprès de moi. J’ai découvert qu’il ne savait rien de son histoire, et au sens propre du terme, d’où il sortait… Rien sur sa naissance, le pourquoi de son vécu en orphelinat, rien sur ce qu’était une mère. Et là encore, je me suis sentie bien seule. Heureusement que je m’étais posée ces questions et que j’étais résolue à ne dire que la vérité mais TOUTE la vérité. Mais aujourd’hui encore, je ne sais pas toujours si je réponds “bien” à ses questions. Et, je sais qu’une procédure d’agrément m’aurait permis de travailler mieux ces questions et de me préparer avec des professionnels. Et ce que je n’ai pas fait à l’époque, je le fais aujourd’hui avec un pédo-psy pour Akram et un psy pour moi, pour m’accompagner et m’aider à prendre du recul.
Quant à cette question posée à Violette sur ses motivations à faire une kafala, je la trouve très indiscrète et inquisitrice, sur un forum de parents… Surtout de la part de personnes qui défendent le droit à obtenir une kafala sans agrément, et qui n’accepte pas d’exposer leurs motivations à une enquête psychologique… Nous avons tous nos raisons d’avoir choisi notre enfant, chacun avec son expérience et son vécu. Nous sommes sur ce forum pour nous entraider entre parents et futurs parents (oui, je suis la mère de mon fils, pas seulement sa kafila, quoi qu’en disent les lois marocaines et françaises, et je me battrai pour que notre lien soit reconnu), pas pour jouer aux censeurs.